Nous vivons dans un monde ultraconnecté. Cependant, nos connexions et nos comportements sociaux ont été façonnés, comme pour toute espèce animale sociale, à travers l’histoire évolutive. Des pressions écologiques comme la prédation ou le besoin d’information ont conduit l’humain à devenir solidaire, tandis que les maladies ont pu mener, au cours des siècles, à l’isolement d’individus ou de populations. Ainsi, le partage d’information est la glu sociale de l’humanité, bien que la récente pandémie de la Covid-19 a rappelé à cette dernière qu’il y a des limites et contraintes à la cohésion sociale. Nos relations et nos mœurs sont amenées à évoluer en fonction de la gravité de certaines situations.
Dans un monde vivant avec la Covid-19, des comportements culturels ancrés dans notre quotidien tels que la poignée de main, la bise, l’embrassade ou diners à moins d’un mètre de distance sont maintenant condamnables. Comment rester ensemble tout en restant sain est devenu une question récurrente. L’humanité a été prise au dépourvu alors que les espèces animales ont évolué depuis des millions d’années pour faire face à ces crises sanitaires.
Des espèces sociales capables de pratiquer la distanciation sociale
Dans l’article publié dans Trends in Ecology and Evolution, Cédric Sueur, chercheur à l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (CNRS-Université de Strasbourg), Valéria Romano (Universidad de Alicante) et Andrew MacIntosh (Université de Kyoto) étudient les forces évolutives à l’œuvre dans la structuration et l’évolution du réseau social dans lequel nous nous intégrons.
Les auteurs se sont focalisés sur des pressions écologiques opposées auxquelles toute espèce sociale fait face comme le besoin d’accéder à l’information sociale concernant d’importantes ressources et la nécessité d’éviter les pathogènes qui se propagent en se côtoyant. Quoique de nombreuses études ont été réalisées sur les coûts et les bénéfices de la socialité, peu se sont penchées sur l’effet combiné de pressions évolutives opposées sur la prise de décision sociale, individuelle et collective.
Différents exemples montrent que des espèces sociales comme le guppy, le mandrill, le homard ou la souris sont capables de pratiquer la distanciation sociale et d’éviter les congénères malades. Chez les mandrills, des singes qui sont traités contre les amibes voient leur taux de toilettage social augmenter puis diminuer à nouveau avec la réinfection. Le taux de parasitisme de ces mandrills serait évalué par leur congénère grâce à l’odorat
Diminuer les contacts et former de petits groupes
Le comportement des fourmis change également lorsque la colonie se voit infecter par un pathogène. Les individus malades se mettent à l’écart afin d’éviter de transmettre le pathogène à leurs congénères, mais les individus sains changent également leur comportement, en diminuant leurs contacts et en formant de petits groupes afin d’éviter la propagation à toute la colonie. Chez cet hyménoptère, l’immunité sociale consiste à ne pas propager la maladie afin que la reine et le couvain restent sains et saufs. Ainsi, d’autres systèmes de communication évitant les contacts peuvent être mis en place tels que l’utilisation de phéromones. Étudier et mieux connaitre les mécanismes comportementaux prophylactiques chez ces espèces sociales pourraient aider les sociétés humaines à mieux combattre les épidémies.
Les chercheurs concluent leur article en précisant que les humains sont également connectés au reste du monde vivant et par conséquent, les mesures d’éviction des épidémies ne doivent pas être simplement restreintes aux mesures sanitaires humaines. Intégrant le concept de « One Health », nous devons également considérer nos interactions avec notre environnement et les autres espèces animales afin d’éviter d’autres crises telles que celle vécue avec la Covid-19.
- Retrouvez le communiqué de presse.
Cet article Les animaux aussi font de la distanciation sociale pour éviter d’être malades est paru initialement sur Unistra - Recherche.
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