Des mathématiciens viennent de démontrer qu’il est en théorie possible de concevoir des « ordinateurs », ou machines de Turing universelles, à partir d’un fluide. Conséquence : déterminer la trajectoire d’une particule de fluide à long terme serait un problème indécidable.
Le 10 janvier 1992, pris dans une tempête sur l’océan Pacifique, un bateau perdit une partie de sa cargaison : 29 000 petits canards en plastique tombèrent à la mer et explorèrent le monde. On retrouva quelques mois plus tard certains de ces Friendly Floatees sur les rives de l’Alaska, puis, plus tard, au Japon. Certains traversèrent le détroit de Béring, l’océan Arctique et finirent leur périple sur les rives de l’Angleterre en 2007, soit quinze ans plus tard. L’océanographe Curtis Ebbesmeyer les a rendus célèbres en les utilisant pour analyser les courants marins.
Mais aurait-il été possible de déterminer la trajectoire des canards depuis leur point de départ ? L’exercice semble difficile. Les courants océaniques font partie de ces systèmes chaotiques qu’il est possible de décrire mathématiquement avec les équations de Navier-Stokes, mais dont la sensibilité des solutions aux conditions initiales est si extrême qu’il est en pratique impossible de dire où les courants emporteront chacun des canards. Une équipe composée d’Eva Miranda, de l’université polytechnique de Catalogne (UPC) à Barcelone et de l’observatoire de Paris, de Robert Cardona, de l’UPC, et de Daniel Peralta Salas et Francisco Presas, de l’Institut des sciences mathématiques, à Madrid, montre aujourd’hui que l’impossibilité de déterminer la trajectoire d’un de ces canards perdus dans l’océan est bien plus fondamentale : c’est un problème indécidable.
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