Le concept médical d’addiction est né au XVIIIe siècle aux États-Unis. Comment est-il décrit alors ?
Serge Ahmed1. À cette époque, on voit apparaître une massification de la consommation de spiritueux très concentrés en alcool (gin , whisky, etc.), ce qui cause une véritable épidémie d’usages excessifs et chroniques d’alcool, avec leur cortège de problèmes sociaux et familiaux. Témoin de cette évolution, Benjamin Rush, un médecin américain, formule l’idée que l’usage excessif d’alcool serait en fait une maladie, l’alcoolisme, et non un problème moral comme on le pensait souvent à cette époque. Il comprend que pour les personnes alcooliques, l’abstinence est difficile à initier et à maintenir volontairement, notamment car elle s’accompagne de symptômes physiques et mentaux très intenses : tremblements, sueurs, palpitations, bouffées d’anxiété. En fait, dans certains cas, un sevrage brutal peut même entraîner la mort. Au fil du temps, cette idée évolue et débouche à la fin du XIXe siècle sur le concept d’addiction-dépendance qui restera très influent jusqu’à la fin des années 1980. Selon ce concept, l’addiction serait un besoin pathologique acquis artificiellement et qui ne peut être soulagé qu’en re-consommant l’alcool.
L’addiction était donc surtout définie négativement comme un manque, une dépendance ?
S. A. Oui, en effet ! L’idée alors est que l’addiction est avant tout un besoin pathologique, dans le sens où ce besoin est acquis à travers la consommation chronique d’alcool, une substance exogène sans grande utilité biologique. Lorsque ce besoin est inassouvi, cela engendre un manque d’une intensité proche de la faim ou de la soif. La personne ne peut donc plus fonctionner normalement sans la substance. On parle alors aussi de dépendance à une substance (alcoolo-dépendance).
Cet article L’addiction n’est pas gravée dans notre cerveau est paru initialement sur CNRS News National.
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