À première vue, il n’y a que les physiciens — ou les chimistes — qui peuvent trouver intéressant de savoir comment les ions et les molécules se distribuent à l’interface de l’air et de l’eau. Mais à y regarder de plus près, cette question de science fondamentale pourrait bien avoir des répercussions jusque dans notre quotidien. Profitons de la découverte récente à ce sujet de chercheurs, entre autres de l’université de Cambridge (Royaume-Uni) pour tenter ensemble de comprendre pourquoi et comment.
Rappelons d’abord que de nombreuses réactions naturelles importantes se produisent là où les molécules d’eau interagissent avec l’air. C’est l’exemple de l’évaporation de l’eau des océans. Le processus joue un rôle capital dans la chimie atmosphérique et dans la science du climat. Et il est déterminé par la structure moléculaire de l’interface. Comprendre cette structure et sa dynamique apparaît donc crucial pour les efforts visant à atténuer notre impact sur notre Planète.
La technologie pour mieux comprendre l’eau
Jusqu’ici, les physiciens qui souhaitaient étudier comment les molécules d’eau sont affectées par la distribution des ions là où l’air et l’eau se rencontrent comptaient sur une technique de spectroscopie bien spécifique. La spectroscopie vibrationnelle de somme de fréquences (VSFG), en effet, permet d’explorer les propriétés vibrationnelles des molécules aux interfaces. Mais elle a un point faible. Elle ne permet pas de distinguer les signaux positifs des signaux négatifs. De quoi compliquer l’interprétation des résultats.
Pour étudier leurs solutions électrolytiques — des solutions composées de molécules d’eau et de différents ions —, les chercheurs de l’université de Cambridge racontent, dans la revue Nature Chemistry, qu’ils ont opté pour une forme plus sophistiquée de la technique, basée sur ce qu’ils appellent la détection hétérodyne. Et ils ont développé des modèles informatiques avancés pour simuler les interfaces dans différents scénarios.
Une découverte qui bouscule les théories établies sur les interfaces entre l’eau et l’air
Ainsi, les physiciens montrent que les ions, qu’ils soient positifs — on les appelle alors cations — ou négatifs — on les appelle anions —, sont absents de l’interface eau/air. « Notre travail démontre que la surface des solutions électrolytiques simples a une distribution d’ions différente de celle que l’on pensait auparavant », explique Yair Litman, chimiste, dans un communiqué. Finie l’idée de la double couche d’ions qui oriente les molécules d’eau dans une seule et unique direction. Le nouveau scénario écrit par les chercheurs est tout autre. « Tout en haut de la solution se trouvent quelques couches d’eau pure, puis une couche riche en ions, puis enfin la solution saline en vrac. »
Nous citions plus haut l’exemple de l’évaporation de l’eau des océans. Mais bien d’autres domaines sont concernés par cette découverte. Et plus généralement encore, l’étude des interfaces solide/liquide peut avoir des applications dans la conception de batteries et de systèmes de stockage de l’énergie plus efficaces. Alors oui, cette découverte devrait intéresser bien plus que les physiciens — ou les chimistes — théoriciens…